Courir, ça me faisait du bien. Depuis toujours j’aime faire un peu de sport et quand je suis arrivée à Blue Hills, une des premières choses que j’ai faite a été de m’inscrire dans une salle. La plupart du temps, je préfère l’air libre, aller au gré de mes envies, sans vraiment de destination ou de parcours préétabli. Mais il ne fait pas toujours beau, et dans ces cas là j’aime pouvoir m’adonner à la course dans un lieu couvert.

Je viens assez souvent dans cette salle. Avant, j’avais des équipements à la maison, mais finalement c’est plus pratique de venir ici, au moins je récupère une pièce. Si pour l’instant elle ne sert pas, j’espère que bientôt Elijah et moi nous en aurons besoin. Ce n’est pas vraiment une chose dont on parle énormément tous les deux, et en priorité, j’aimerais qu’on se marie. Mais qui sait ? Les choses peuvent se précipiter, et dans ce cas là, je ne voudrais pas avoir à me presser.

Tatiana est à l’école, Elijah travaille, la maison est rangée de fond en combles, et j’ai préparé la lasagne pour ce soir. Me voilà donc libre de faire ce que je veux, et je me précipite donc jusqu’à la salle avec l’envie de me dépenser. Dans les vestiaires, je troque ma tenue de ville contre une tenue de sport très simple : Collant noir opaque, soutien-gorge de sport par dessus lequel j’enfile un débardeur blanc. Je relève mes cheveux en une queue de cheval haute et me voilà fin prête.

A l’intérieur de la salle, les looks sont tout autres. Il faut dire que c’est le lieu parfait pour draguer, et beaucoup en profitent. Alors les hommes exhibent leurs muscles, les femmes se parent de tenues sexys et fluos pour qu’on les repère bien de loin... Elles sont en général maquillées comme des voitures volées et laissent leurs longs cheveux dévaler sur leurs épaules. Bref, pas du tout pratique pour l’activité pratiquée ici, mais totalement adaptée à une bonne séance de séduction.

Moi, je ne suis pas là pour ça. C’est parfois difficile à faire comprendre à certains messieurs, qui aiment se la jouer lourdingues, mais mon coeur est pris et je ne suis absolument pas intéressée par les rencontres, si ce n’est amicales. Je dirais que c’est un peu le désavantage des salles de sport, parfois on a du mal à être tranquilles, mais j’espère qu’aujourd’hui je n’aurai pas à me débattre avec quelqu’un qui ne comprend pas la signification du mot «non».

Je me dirige donc vers le dernier tapis roulant qui reste libre, pose sur le côté la serviette que j’avais jusque là autour du cou et règle la machine pour un parcours moyen. Je n’aime pas trop forcer, je préfère agir sur la longueur et courir plus longtemps, alors les côtes à n’en plus finir, très peu pour moi ! La machine se met en route, j’adapte mon pas à son rythme, et voilà que soudain, l’écran s’éteint et le tapis finit par ralentir de plus en plus, jusqu’à s’immobiliser totalement. Je lève les yeux au ciel et commence à pester.


Et merde...

Quand c’est pas votre jour, c’est pas votre jour... Et de toute évidence, ce n’était pas le mien.  Je ne demandais pas grand chose pourtant, simplement pouvoir courir un peu, me défouler sur le tapis.  J’aime ça, courir, c’est bon pour le corps et l’esprit.  C’est important de se maintenir en forme pour ne pas vieillir avant l’âge.  Mais là cette satanée machine avait décidé de faire la grève, et pas de bol, c’était la dernière qui était libre... On se demande bien pourquoi d’ailleurs !  Je peste.  J’ai franchement pas envie d’aller faire des abdos aujourd’hui, j’ai pas pris mon maillot pour aller à la piscine faire des longueurs, ce qui fait que je suis plutôt mal barrée.

Mais alors que je maudis intérieurement la machine, voilà que je me fais interpeller par une charmante voix féminine qui m’offre son aide.  Je tourne la tête, pensant avoir affaire à une employée de la salle, mais ce n’est pas le cas.  Devant moi une magnifique jeune femme qui semble avoir des origines indiennes.  Elle attend ma réponse, et je décide de lui faire un sourire.


Si vous êtes technicienne pour ce genre d’engins peut être.


Je montre le tapis roulant et son écran lamentablement mort et lève les yeux au ciel avant d’éclater de rire.  C’est pas si grave, hein ?  C’est juste chiant, et puis je n’ai pas un caractère épouvantable comme certains qui piquent des crises à chaque contrariété.  Je descends donc du tapis, reprends ma serviette, et tends la main à la jeune femme.


Je m’appelle Kathryn.


Rien de tel que se présenter pour faire connaissance.  Pour une fois que c’est une fille sympa qui m’interpelle et pas un de ces musclors protéinés et gonflés aux hormones, je profite de l’occasion !


Y’a beaucoup de monde aujourd’hui, pas facile de trouver quelque chose de libre.


Je ne suis pas une grande adepte de la foule, je préfère toujours quand il n’y a que peu de monde.  Mais aujourd’hui tout le monde semble s’être donné le mot !  C’est vrai que demain c’est férié, la salle sera fermée, les gens ont sans doute peur d’être en manque.


Je crois que je vais laisser tomber pour aujourd’hui...  Ca vous dit de boire un verre avec moi ?  Je vous invite.


Après tout, elle a voulu m’aider, je peux bien faire ça.