Introduction
Alors que je poussais mes premiers cris, le soleil de l’été qui venait de naître dardait ses rayons sur la belle ville de Saint-Petersbourg. Ma mère avait presque quarante ans quand elle est enfin tombée enceinte, elle avait presque perdu espoir. Autant dire que ma venue fut fêtée dignement. Cela faisait dix ans que mes parents étaient mariés, ma mère passait son temps à peindre, papa était un industriel renommé. En tout cas, c’est que que tout le monde croyait à l’époque, mais nous en parlerons plus tard...
Les premières années
Jeunesse dorée, de celles des enfants dont les parents sont riches. Je vivais dans une superbe maison, une femme de ménage venait tous les jours. Maman ne travaillait pas, elle restait à la maison pour s’occuper de moi et je passais ainsi tout mon temps avec elle dans son atelier de peintre. C’est sans doute ça qui me donnera la vocation plus tard... A cette époque je vivais dans une insouciance qui me manque. Je n’ai pas vraiment eu énormément de temps pour y goûter. J’avais environ cinq ans quand une terrible dispute a éclaté entre mes parents. Je me souviens que je m’étais mise sous mes couvertures et que je me cachais les oreilles avec mes mains en pleurant. Je ne comprenais rien à ce qui s’était passé, et tout ce dont je me souviens, c’est que je me suis endormie d’épuisement. Le lendemain, papa n’était plus là, et maman refusait d’en parler. En réalité, elle avait découvert le vrai visage de mon père, surpris une conversation qu’elle n’aurait jamais dû entendre et qui parlait de stupéfiants en tous genres, de dealers qu’il fallait liquider s’ils ne payaient pas leur dû dans les deux jours... On a sûrement eu beaucoup de chance de rester en vie en réalité, mais il nous a laissé tranquilles.
Comme pour me faire oublier le départ de papa, ma mère m’a inscrite aux cours de danse. J’aimais bien, sans plus, mais je voyais que ça lui faisait plaisir de me voir évoluer dans cette discipline, alors je faisais en sorte qu’elle soit fière de moi. Je m’appliquais aussi dans les leçons de piano qu’elle me donnait, c’était notre petit moment à nous. Je voyais bien que papa lui manquait, et je me demandais vraiment pourquoi il était parti. J’avais presque l’impression de voir maman dépérir, ça me faisait mal au coeur. Alors quand je ramenais de belles notes, j’étais fière comme tout de la lui montrer. J’étais bonne à l’école, on m’a dit que j’avais un bon esprit de logique, une bonne mémoire, ce qui m’aidait beaucoup. Ainsi allait la vie à Saint-Petersbourg, mais un nouvel événement allait bientôt tout faire basculer.
Le tournant
C’était l’été. J’avais fêté mes dix ans deux mois plus tôt. Maman était particulièrement fatiguée depuis quelques temps, sans aucune raison apparente. Quand elle est rentrée d’un rendez-vous chez le médecin, j’ai tout de suite compris qu’il y avait quelque chose de grave. Leucémie. Le genre de saloperie foudroyante qui vous emporte sans qu’on puisse rien faire en quelques mois. On lui avait donné six mois, mais en novembre je prenais l’avion pour rejoindre mon père à Norwalk. Ce père que je n’avais pas vu depuis cinq ans, dont j’ignorais toujours la cause du départ. Je n’ai pas été très facile au début. Je ne savais pas pourquoi, mais je lui en voulais, il avait dû faire beaucoup de mal à maman pour devoir partir en Amérique ! Plusieurs fois je lui ai demandé ce qui s’était passé, mais il n’a jamais voulu me le dire, me répondant que ça ne me regardait pas. Dans mes valises, j’avais ramené le matériel de peinture de maman, et je réclamais un atelier. Pareil pour la danse, je décrétais que je voulais continuer à prendre des cours comme en Russie. C’était juste pour l’embêter, mais au fond il s’en fichait pas mal.
Ma mère me manquait énormément. On était très proches toutes les deux, et me retrouver avec un père qui avait été aux abonnés absents la moitié de ma vie me perturbait. Il m’avait abandonnée après tout, on ne fait pas ça aux gens qu’on aime. Pourtant petit à petit, on s’est rapprochés. La vérité, c’est que j’avais terriblement besoin d’être aimée, et il n’y avait plus que lui pour ça. Alors je décidais de lui donner une nouvelle chance, parce que c’était ce qu’il y avait de mieux à faire.
La fin de l’enfance, le début des emmerdes...
La vie a repris ses droits. Je faisais très vite de grands progrès en anglais et me découvrais un vrai plaisir à étudier les langues. C’est donc cette option que j’ai choisi de privilégier. Sur l’ordinateur qui était mis à ma disposition, j’apprenais les joies de l’informatique, presque en autodidacte. L’infographie m’intéressait beaucoup et je me disais que ça pourrait faire un chouette métier pour moi. J’avançais dans l’adolescence comme n’importe quelle autre jeune fille de mon âge. Découverte des premiers émois pour les garçons, premier baiser pas très réussi, sorties en boîte de nuit, un joint qui me rend tellement malade que je décide de ne plus jamais toucher quoique ce soit qui se fume... Mon père était peu à la maison, il n’était pas trop chiant pour mes sorties. Tant que je ramenais de bons résultats scolaires, ça lui allait très bien. J’ai ainsi commencé à chercher ailleurs ce que je ne trouvais pas à la maison. De l’attention, des gens qui m’écoutent, des gens qui m’aiment, peu importe comment ou à quel point. Vu d’ici, ça peut sembler plutôt pathétique, et oui j’avoue que ça l’était. Mais je me sentais seule, pas à ma place, délaissée, malgré tout l’argent dont je jouissais.
Afin d’intégrer l’université, je suis montée jusqu’à New-York. Encore un autre monde, un autre chapitre qui démarrait dans ma vie. Une fois mes études terminées, je n’avais pas l’intention de rentrer chez papa. Je voulais prendre mon envol, je crois que j’en avais besoin. Je suis arrivée à la fac pleine d’enthousiasme, je savais que j’allais aimer cette période de ma vie, mais là encore d’autres surprises m’attendaient.
Toi + moi = ... Elle ???!!!
je profitais à fond de mes années de fac. Sans oublier de travailler, j’étais de toutes les fêtes. Je faisais des tas de rencontres, partais en vacances avec mes amis... La belle vie d’étudiante. Aux études, lui ne l’était pas. Il vivait non loin du campus, on s’est croisé dans un café et on a carrément accroché. C’était physique, juste physique, du moins au début. Avec Cal, c’était la grande passion, le plaisir de l’interdit. Il n’était pas du genre gendre parfait. C’était un bad boy, de ceux qu’on ne va pas chercher sans le trouver très vite. Il valait mieux être dans ses petits papiers que le contraire si on ne voulait pas avoir de problème. Mesurant près de deux mètres de haut, il impressionnait, pourtant il était loin d’être bête. Ca devait être ça qui me plaisait tant chez lui. En quelques mois, je tombais amoureuse. Le loup devenait agneau avec moi, j’aimais ça. Puis il s’est montré de plus en plus distant. Je ne comprenais pas pourquoi. Et pendant qu’il s’éloignait, je découvrais que j’étais enceinte. Quelques semaines plus tôt, je crois que j’aurais été moins inquiète. Mais là je sentais qu’il n’allait pas accepter cette grossesse. Je l’ai appelé pour qu’on se voie, suis tombée sur son répondeur. Nouvel essai qui se solde également par un échec. Je fini par lui laisser un message en lui disant que je devais lui parler en urgence. Il a dû se douter à mon ton que c’était quelque chose dans ce goût là, parce qu’il a disparu de la circulation..
J’ai donc dû prendre une décision seule, et elle ne fut pas difficile à prendre. J’imaginais mal passer le reste de ma vie à me poser des questions, à me demander si j’aurais eu une fille ou un garçon, ce que cet enfant serait devenu, à qui il aurait ressemblé, quel aurait été son caractère... Je ne pouvais pas tuer cet enfant, c’était impossible. Alors j’ai arrêté la fac pour me consacrer à ma grossesse. Papa voyait ça d’un mauvais oeil et a tenté de me convaincre d’avorter, sans succès, j’étais coriace dans mon genre.
Mais Tatiana est née avec sept semaines d’avance. Bébé prématuré, elle a dû rester à l’hôpital pendant six semaines. Des semaines que je passais avec elle, ne pouvant me résoudre à la quitter. Ca a été la pire période de ma vie, j’ai eu terriblement peur pour ma petite fille... Heureusement elle était aussi coriace que sa mère, et j’ai pu la ramener chez moi.
Et on repart pour un tour !
Finalement je me remettais à la peinture. J’aimais ça, je savais que j’étais douée, et ça me permettait d’être avec ma fille tout le temps. Pour les hommes, j’avais tout bonnement décidé de me fermer à tout sentiment. Mon histoire avec Cal m’avait suffit, ça m’avait trop blessée et je ne voulais plus revivre ça. Je me suis donc faite à l’idée d’amants de passage, à qui je ne présentais jamais ma fille. Tatiana, c’était sacré, je faisais tout pour la protéger des affres de la vie.
Petit à petit, je commençais à me faire une belle réputation dans le milieu de l’art. Mes tableaux se vendaient assez bien pour que je puisse en vivre, j’étais entrée dans une routine qui me convenait pas si mal que ça. Un jour on m’a appelée pour me proposer d’exposer quelques tableaux à Guggenheim, et je voyais là une vraie chance de percer pour de bon. J’ai donc mis toute mon énergie dans cette exposition, travaillé comme une folle pour qu’elle soit un succès, et ce fut le cas. En rentrant de New-York, je ne cachais pas ma joie et racontais toutes les rencontres que j’avais faites à mon père qui, pour la première fois, semblait impressionné par le parcours de sa fille. Ca me faisait plaisir, c’était bon de voir qu’il pouvait être fier de moi.
Et puis quelques semaines plus tard, alors que je sortais avec Tatiana du supermarché, une voiture a traversé le parking en crissant des pneus et le passager a fait feu sur nous. Heureusement, le premier tir nous a loupées, j’ai eu le temps de nous abriter derrière une voiture, mais j’étais sacrément sous le choc... Et ma petite fille aussi. Je ne comprenais rien à ce qui nous arrivait... Pourquoi s’en prendre à nous ? Ca n’avait aucun sens, et j’étais terrifiée. Le pire, c’est que papa n’en a même pas semblé surpris. Il me proposait simplement d’emménager chez lui avec la petite, ce que je refusais. Mais Tatiana faisait des cauchemars, elle avait peur. Alors environ un mois plus tard, je suis allée voir mon père chez lui pour lui en parler. Et c’est là que j’ai fait sa connaissance... Elijah...
Quand le coeur fait boum !... Il n’est pas le seul.
Dès que je l’ai vu, j’ai renoué avec des sensations éprouvées il y a longtemps. Un coup de foudre, un vrai de vrai, qui m’a poussée à exiger de papa de l’embaucher pour me servir de garde du corps. J’étais venue pour ça, et c’était comme si le destin avait décidé de me donner un coup de pouce. Un ex taulard, m’a dit mon père, mais ça je m’en fichais pas mal. Encore une fois, il a cédé, pour mon plus grand plaisir. Au fil des jours, des semaines, Elijah et moi devenions de plus en plus proches. On passait beaucoup de temps ensemble, Tatiana l’aimait énormément. Des dîners, des fous rires, le coup de foudre se transformait peu à peu en un amour des plus profonds, et j’étais heureuse.
J’avais décidé de nous organiser une petite soirée surprise. Mitonner un bon petit plat, dresser une jolie table avec des bougies, installer une ambiance romantique, voilà ce que j’avais prévu. Je suis passée au supermarché pour acheter du vin, mais je ne trouvais rien qui me convenait. Alors je suis repassée chez mon père pour aller en chercher une dans sa cave. C’est là que les choses ont à nouveau basculé... Mon père était là, avec tout un groupe d’homme, à parler de drogue, et autres saletés. Quand j’ai vu un des hommes tirer une balle dans la tête d’un malheureux, j’ai sursauté, lâchant la bouteille de vin que j’étais venue chercher, et me suis carapatée avant qu’ils n’aient le temps de voir que c’était moi qui les avais surpris. J’ai filé rejoindre Elijah et je lui ai décrit la scène dont je venais d’être témoin. Mon père... Un meurtrier... Un trafiquant, un enfoiré de mafieux ! A part ma fille, y’avait-il en ce monde une personne en qui je pouvais avoir confiance ?
Elijah... J’avais confiance en lui, je lui confiais tout et le suppliais de fuir avec moi. Il a essayé de me rassurer, mais je ne voulais pas en démordre. Il fallait qu’on parte, je ne voyais pas d’autre option. Elijah a fini par me suivre, mais pas le temps d’avancer beaucoup, une voiture nous fonçait dessus. Après ce que j’ai vu, j’étais déjà dans tous mes états. Mais là, c’était la goutte de trop, j’avais l’impression d’être dans un mauvais film. Je me suis figée, me suis retrouvée incapable de bouger, et Elijah s’est jeté sur moi pour me pousser sur le côté. C’est lui que la voiture a finalement heurté, et quand je l’ai vu au sol avec tout ce sang, j’ai hurlé.
Dieu merci il était en vie. Les médecins m’avaient dit l’avoir stabilisé, qu’il n’y avait plus qu’à attendre son réveil. J’ai veillé sur lui, ne le quittant jamais, et quand il a repris connaissance, vous n’imaginez pas mon soulagement. Sauf que ça n’a pas duré longtemps. Amnésie... Il ne se souvenait pas de moi, de nous, de nos bons moments passés ensemble. Le choc a été rude. J’ai décidé de l’aider au mieux, et lui ai dit une semi vérité : on était ensemble lui et moi, amoureux. J’estimais que ce n’était pas totalement faux, on flirtait clairement ensemble, il était intéressé par moi, et moi j’étais folle de lui. Repartons de zéro, construisons quelque chose tous les trois avec Tatiana.
Et aujourd’hui...
Quatre ans ont passé. Nous sommes toujours ensemble, et je suis toujours aussi dingue d’Elijah. Cette famille que nous formons à présent, je voudrais qu’elle devienne officielle. Après toutes ces années, ne serait-il pas temps pour nous de nous marier ? Je l’aime, on est bien ensemble, pour la première fois ma vie semble sur des rails, «normale», je me sens comblée comme jamais. Peu importe si je fuis mon père, j’aime notre maison à Blue Hill et l’histoire que nous y construisons. Pourvu que ça dure... Je prie tous les jours pour ça.