La famille. Un point épineux pour chaque génération et culture. Si parfois tout semble beau et couler de source, derrière le rideau se cache toujours un point d’ombre au tableau. Le point noir des McCawley est assez simple à décrire bien que difficile à vivre. Alana est fille unique. Atteinte d’un cancer, la mère de la jeune fille décéda quand celle-ci eu 12 ans. Elle était trop jeune pour en garder un souvenir ou même une trace, alors depuis toujours il n’y a qu’elle et son père, Pete McCawley. Ce dernier ne s’est jamais remis de la perte de sa femme. Elle était l’amour de sa vie. Le seul et l’unique, comme dans les contes de fées. Il n’a jamais refait sa vie. Mais sans amour il y a ce vide en vous qui vous consume avec le temps. Alors au fil du temps les blessures se cicatrisent et on recommence. Pour le père d’Alana ce fut impossible de la remplacer, alors il se laissa consumer par son deuxième grand amour, son travail : commandant dans la NAVY SEAL. Souvent absent il confia sa fille à son meilleur ami, le sergent Blackburn de la police d’Hawaii. Pete, avant d’entrer chez les Marines, travaillait lui aussi en tant qu’officier de police et c’est à cette époque qu’ils se rencontrèrent, étant l’un et l’autre coéquipier. Leur amitié perdura au-delà du boulot et du changement de voix de Pete. Il était la seule personne en qui il pouvait avoir confiance et réciproquement.
Blackburn avait une famille, une femme et deux enfants, l’idéal pour placer Alana le temps de ses voyages. Celle-ci était déjà proche des jeunes Blackburn. Roxie fut comme la petite sœur qu’elle n’avait jamais eu et Aaron, ou plutôt Elijah comme il aimait se faire appeler, et bien c’était compliqué. Ensemble au collège, il l’ignorait. Elle était juste une fille de sa classe qui en plus vivait dans sa maison. Une intruse en quelque sorte. Ils se voyaient le matin, le soir et entre les deux rien. Des inconnus. Une situation délicate pour la jeune fille. Elle se sentait de trop dans cette famille et Elijah semblait penser la même chose. Il aura fallu un coup du hasard ou du destin pour changer la donne. Et ce coup du sort fut provoqué par Mlle Payne, professeur de Biologie, en les mettant à faire équipe sur des expériences tout au long de l’année. Chose qui les obligea à parler. Peu à peu ils apprirent à se connaitre, à réellement se connaitre. A partir de ce moment, elle fut complètement intégrée à la famille. Un ami. Une sœur. Un « oncle » qui lui racontait des anecdotes sur son père. Mais surtout une seconde mère. La mère qu’elle n’a jamais eue.
Son père revenait à chaque permission, à chaque congé. Bien que ces moments furent de courtes durées elle en profita au maximum. Parce que le prochain arrivera dans plusieurs mois. Parce qu’avec cette vie, on ne savait jamais s’il y avait un lendemain. Mais surtout parce qu’une fille a besoin de passer du temps avec son père, et d’autant plus quand celui-ci est le seul membre qu’il lui reste de sa famille. Avoir ce style de vie avec lui, fit naitre assez tôt la peur du coup de téléphone et de la sonnette. Peur qu’on lui annonce sa disparition ou pire encore. A chaque retrouvaille elle retrouvait ce soulagement et respirait de nouveau. Elle était à nouveau sereine. Mais ce qui devait arriver arriva. Quand elle fut au lycée, des hommes de la NAVY SEALS vinrent frapper à la porte des Blackburn Pas de besoin de mot pour comprendre ce qui se passait. Aucune larme. Aucun tremblement. Elle avait été élevée comme ça. A être forte dans toute épreuve et surtout dans celle -là. Tout ce qu’elle demandait fut des explications et on le lui refusa. Mission classée top secrète. Mort au combat. Voilà, ce fut tout ce qu’elle put savoir et ce ne fut pas assez. Rester dans le flou ne fit qu’alimenter sa peine et sa douleur, qu’elle terra au fond d’elle-même ne laissant personne entre apercevoir sa souffrance. Personne sauf lui.
L’amour. Lui ? Aaron Elijah Blackburn ! Au début des colocataires forcés, puis des amis et finalement un couple à partir du lycée. Elle ne saurait dire si son initiative venait du fait qu’il la trouvait différente des autres filles ou si c’était simplement un pari lancés par ses potes. Une question qui n’obtiendra pas de réponse. Ou plutôt une question dont elle n’était pas sure de vouloir connaitre la réponse. Étaient-ils ensemble pour de bonnes ou de mauvaises raisons ? Amoureuse de lui, elle préférait l’ignorer et vivre au jour le jour, profité de chaque moment avec lui. Il n’y avait rien de compliqué entre eux ni même de superficialité, tout était simple et facile. Quand elle enterra son père, elle cacha à tous sa fragilité, sa peine et sa douleur. Elle était une McCawley et devait rendre honneur à son nom. Rendre honneur à son père. Après l’enterrement elle s’isola, ayant besoin de se retrouver seule, d’évacuer la pression. Seulement cette solitude elle ne l’obtint pas. Elijah la connaissait et savait que sa force aux yeux des autres n’était qu’une façade. Qu’en réalité elle souffrait comme n’importe quel enfant perdant un parent. Il savait où la trouver et si les larmes étaient refoulées, quand il la prit dans ses bras tout se relâcha.
Leur relation dura 3 ans, se terminant suite à un accident de la route. Soirée à quatre avec un autre couple, l’homme conduisait, sa petite amie sur le siège passager, tandis qu’Eli et Al’ se trouvait sur la banquette arrière, la tête de la jeune femme appuyée contre l’épaule de celui qu’elle aimait. L’accident se produisit sans que personne ne puisse le voir arriver. Aucun mort mais des blessés. Gravement blessés. L’impact fut donné à l’arrière gauche de la voiture, place où se trouvait Alana. Son état fut bien plus inquiétant que celui des autres. Les médecins durent la mettre dans un coma artificiel avant de la sauver. Son cœur s’arrêta de battre quelques minutes avant d’être ranimer. Elle frôla la mort une seconde fois mais l’acharnement des médecins eurent raison de sa survie. De rhésus sanguin rare, elle put bénéficier à temps d’une transfusion sanguine. Encore une fois hasard, chance ou destin. Mais elle était en vie. Eli et Roxie furent là pour l’aider dans sa rééducation mais ce qui c’était passé mis un terme à son couple. Le jeune Blackburn dit se sentir responsable alors qu’elle ne voyait pas comment, mais ce sentiment les éloignèrent.
Quand elle put sortir de l’hôpital, il lui annonça qu’il quittait l’ile et qu’il ne reviendra pas. Il s’était engagé chez les NAVY SEALS, tout comme le père de la jeune femme. Un acte qui la laissa sous le coup de la surprise. Tout se passait trop vite d’un seul coup : l’accident, sa décision de s’engager, de partir, leur rupture. Elle aurait dû lui faire une remarque, dire quelque chose, mais ce ne fut pas le cas. Peu importe ce qu’il décidait, elle continuait de l’aimer et si c’était sa décision alors elle l’approuvait. Elle le connaissait suffisamment pour savoir que c’était murement réfléchi et pas un choix en l’air. D’ailleurs elle fut présente quand il quitta l’ile. Un dernier baiser. Un dernier contact. Une dernière fois sans ses bras. Un dernier regard avant que le bateau ne quitte l’horizon.
Norwalk. Elle mit plusieurs mois à réellement se remettre de l’accident mais il n’y eut aucune complication. Très vite elle put reprendre les études et les petits boulots pour payer son logement. Même s’il était à plusieurs milliers de kilomètres, elle continuait de voir Elijah. Voir est une façon de parler bien évidemment. Ils s’appelaient souvent et se faisaient des Skype quand il était en permission. Toujours proche, il y avait peut-être eu cette rupture amoureuse mais ce lien qui existait entre eux était toujours là. Mais ce départ fit renaitre en elle la peur du coup de téléphone et de la sonnette. Eli n’avait rien à voir avec son père, il n’aurait pas la même fin que lui. Mais l’inquiétude et la peur étaient toujours présentes.
Alana quitta Hawaii deux ans plus tard. Une formation sur le continent qu’elle ne pouvait pas refuser. Elle s’était essayée à divers boulot mais aucun ne lui convenait. Elle avait besoin d’action, de changement et pour cela son modèle fut l’homme qui lui servit de second père, le père d’Eli et Roxie. Ce fut difficilement qu’elle les quitta mais savait qu’elle les reverrait. Chaque congé était déjà dédié à son retour sur l’ile. Puis tout comme avec Eli, elle garda le contact avec Roxie. Cependant celle-ci ne mit pas longtemps à la rejoindre et à s’installer à Norwalk. Pourquoi ? Elle ne l’a jamais su, mais la réponse lui importait peu. Nouvelle vie. Nouvelle ville. Nouvelles rencontres.
Elle commença à sortir avec d’autres hommes, rien de bien sérieux tout du moins jusque Nick. Ils se fréquentèrent pendant plusieurs mois, un an, deux ans. Sortie première de sa promotion, la jeune femme intégra la police de la ville tout en s’installant avec son nouveau petit ami. Seulement elle n’avait jamais pu oublier Eli. Elle n’avait jamais pu taire ce qu’elle continuait de ressentir pour lui. Et le fait de toujours garder contact avec lui ne l’aidait pas à tourner la page. Si vraiment elle voulait tourner la page. Naturellement elle avait donc installée une barrière entre elle et Nick. Une barrière qui se révéla fort utile puisqu’en réalité le jeune homme se servait d’elle. Il sut qu’en sortant de sa formation, elle serait flic et quoi de mieux que d’avoir un flic dans sa poche et dans son lit quand on est un trafiquant d’armes et de drogues ? Après une blessure sentimentale et une fierté dégradée, Nick fut la première personne que la jeune femme arrêta dans les fonctions de son travail et la dernière personne qui entra dans sa vie.
4 ans plus tard Eli débarqua à son tour à Norwalk. Tous les Blackburn s’y trouvant, la ville de son retour ne pouvait pas être ailleurs. Après 6 ans loin de lui, le voilà qui débarquait dans sa ville et dans son poste de police. Reconversion professionnelle, il postula au centre de police et Alana lui fut assignée comme équipière. Après Mlle Payne au collège, c’était au commandant de la brigade de les caser ensemble pour le boulot. Une alchimie devait se dégager entre eux et rendre évident leur binôme. Ce choix se révéla judicieux et prometteur puisqu’à eux deux ils firent du ménage dans la ville, grimpant doucement les échelons. Professionnellement ils étaient sur la même longueur d’onde. Quant au point de vue personnel, ce lien entre eux n’avait jamais faiblit. Peu à peu ils recommencèrent à sortir ensemble pour des diners, des sorties et tout ce qu’ils pouvaient bien trouver à faire. Il n’y avait rien d’officiel. Ils couchaient ensemble, profitaient de la vie et renouaient doucement. Ils n’étaient pas un couple mais plutôt des amis qui s’aimaient désirant prendre le temps de se retrouver. Seulement ce temps leur fut retiré quand Eli disparut soudainement lors d’une mission d’infiltration. Une disparition qui se transforma en une perte un an plus tard lorsqu’il fallut enterrer un cercueil vide.
La vérité. Une perte qu’elle ne pouvait pas accepter. Ni pour elle ni pour Roxie. Leur réaction fut très différente mais jamais elles ne cessèrent de s’épauler. Roxie fut complètement dévastée et anéantie, sombrant peu à peu dans une dépression. Dure avec les proches, Alana savait comment agir avec elle. Peu importe les coups ou les reproches, rien de ce que son amie pouvait dire ne l’aurait fait fuir. Elle fut la chaque jour qu’elle en eut besoin et ne l’abandonna pas. Elle fit tout son possible pour la sortir de là et la faire reprendre gout à la vie et à l’espoir. Comment ? Parce qu’Alana ne croyait pas à cette mort, annoncée bien trop tôt selon elle. Ce n’était pas qu’elle refusait de croire qu’il ne soit plus en vie, non. C’était autre chose. Elle le ressentait au plus profond d’elle-même. Il était en vie, mais quelque chose c’était passé le retenant loin d’eux. Quelque chose qu’elle découvrirait. Ce lien qu’il y avait entre eux était toujours là. On dit que quand l’amour entre deux êtres est suffisamment fort, on ressent quand l’autre souffre ou disparait. Elle n’avait jamais cru à ces choses-là, mais maintenant qu’elle y était confrontée elle ne pouvait nier ce qu’elle ressentait. Ce qu’elle ressentait, c’était qu’il était en vie, quelque part, à attendre qu’on vienne le chercher. Et c’est exactement ce qu’elle comptait faire.