L
’épi doré… Une boulangerie plutôt chic de la ville. Lorsqu’on y entre, on sent de suite l’odeur des petits pains chauds sortant tout juste du four. On peut ensuite repérer la beauté de l’endroit. Une décoration raffinée, mixte de rustique et de moderne. Deux styles très différents, mais qui se complètent très bien. Le marron et l’or ornent ce petit lieu majestueux. Ce n’est pas du vrai or, bien sûr, mais ça en a tout l’air et ça pourrait tromper l’œil de tout le monde. Ces deux couleurs s’étendent dans toute la boulangerie, de la caisse aux pains, en passant par les réfrigérateurs. Les fondateurs de cette splendide enseigne devaient avoir beaucoup de goût et un talent décoratif excellent.
Mais la décoration n’est pas la seule chose de magnifique dans cet endroit. Les pains et les viennoiseries sont tout aussi bons. Je ne sais pas qui les fabriquent, s’ils sont plusieurs, mais eux aussi ont un grand talent ! Je ne pourrais décrire le goût qu’ont leurs produits mais ils sont tout simplement succulents.
Cette boulangerie, c’est là où je dois aller tous les matins. Ou tous les deux jours. Ou quand j’ai envie de pain et que j’ai le courage de me lever pour aller jusqu’à l’immeuble d’à côté. Chaque fois que j’entre dans la boulangerie, il y a toujours cette même demoiselle. Une fille, brune, cheveux longs, yeux marrons et grand sourire… Ce sourire hypocrite que tous les vendeurs arborent. Et puis tout le monde y a le droit à ce sourire ! Ils ne connaissent pas les personnes, mais ils leur sourient quand même. Et on remarque bizarrement que, plus on va dans leurs boutiques, plus leur sourire s’élargit. Rahlala ! Je me demande s’ils n’ont pas des crampes à la fin de la journée, quand leur travail est terminé. Moi, je ne pourrais pas ! Déjà que je n’arrive pas à tenir un sourire plus de deux minutes, qu’est-ce que ce serait une journée entière ?
En fait, il y a tout de même un sourire qui m’a toujours fasciné et fait rêver. C’est le sien. A elle. A Angélica. Des dents parfaitement blanche, parfaitement alignés. Des lèvres ni trop fines, ni trop pulpeuses. Un sourire que nous pouvions regarder des heures durant, sans en décrocher les yeux. Et pour le faire apparaitre, il suffisait de pas grand-chose. Une petite plaisanterie, une petite chatouille, un petit geste, et un large sourire, non pas hypocrite celui-ci, apparaissait. Encore la nuit, je rêve de ce sourire, je rêve que je le touche, je rêve que je l’embrasse… Mais la déception est grande lorsque je me réveille le matin, et que je remarque que ce n’était qu’un rêve… J’aimerais alors m’y replonger dans ce rêve, pouvoir avoir une nouvelle fois l’illusion de toucher ces lèvres. Au moins une illusion. Mais c’est trop tard… Je suis réveillé et je ne peux retrouver ce rêve, qui diffère chaque nuit. Nuit après nuit, cette sensation de toucher s’affaiblit. Nuit après nuit, le rêve devient de plus en plus flou... Je vois de moins en moins ces lèvres, et je les touche de moins en moins…
Aujourd’hui, alors que je suis resté dans mon lit jusqu’à dix heures du matin, à ressasser le rêve que je venais encore de faire, je décidai de me lever. Je me lavai et m’habillai en vitesse, avant de sortir de l’appartement pour descendre au rez-de-chaussée en prenant l’ascenseur. Je sortis de l’immeuble pour aller une centaine de mètres plus loin, dans l’entrée du
Degraw Building. Je pénétrai ensuite dans l’Epi Doré. Voilà encore cette jeune femme ! Est-ce donc la seule employée ? La revoilà avec ce même grand sourire. Chaque fois elle me parle de sa voix si amicale – mais toujours aussi hypocrite. Je m’approchai du comptoir devant lequel elle était posée…